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mais les enfants joyeux mordaient les seins des mères,
mais des bouches de miel faisaient trembler les corps,
mais tu te renversais ravie entre mes bras…
Ne pleure pas, amie. La vie est belle et grave.

Quand mon cœur sera mort d’aimer, je n’aurai plus
de cœur, et alors je t’oublierai peut-être ?
Mais non… Je suis un fou… Je ne t’oublierai pas.
Nous n’aurons qu’un seul cœur, le tien, ô mon amie,
et, lorsque je boirai aux sources des prairies
et que je verserai de l’azur dans tes lèvres,
nous serons tellement confondus l’un dans l’autre,
que je ne saurai pas lequel des deux est toi.
Quand mon cœur sera…

Quand mon cœur sera…Mais n’y pensons pas, ma chère
amie… Tes seins ont tremblé de froid à ton réveil
comme des nids d’oiseaux dans la rosée des roses.
Mon cœur éclatera, vois-tu, de tant t’aimer.
Il s’élance vers toi comme dans un jardin
s’élance vers l’air pur un lys abandonnée.