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Il est un grenadier au fond du jardin pauvre
de ma maison natale. Il portait quelques fruits
amers et rouges comme les vents de l’Automne.
Il est des lys aux coins des bordures de buis.
Il est une tonnelle douce qui s’écroulait
sous le poids des parfums que l’Été lui soufflait.
De là on entendait battre les cloches blanches.
Veux-tu, et comme si c’était encore l’enfance,
l’asseoir, ô amoureuse, au pied du grenadier
aux écarlates fleurs et aux feuilles luisantes ?
Je veux m’agenouiller sur la terre natale,
je veux mourir d’amour en la reconnaissant.

… Mais fais tes pas plus doux, ô délicieuse amie.
Entrons dans la maison défunte. C’est la chambre
où je suis né. L’Hiver glaçait la vieille cour.
Un coq chanta peut-être en cette aube d’amour.
Des gens priaient dans la chambre où, ô mon Dieu,
je naissais à ton jour divin, tandis qu’aux roi des
pentes de la Bigorre blanche aux torrents bleus,
des pâtres, lentement, conduisaient vers les cieux,
les ânes roux noueux et les brebis bêlantes.