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Je pose mon bâton, boueux des coteaux verts,
dans l’angle noir où dort ma pauvre vieille chienne.
Sur mon chapeau fané par les obscurs feuillages
je jette un rameau rouge en fruits de houx luisant,
et, tandis que j’écoute à l’entrée du village
mourir la cloche obscure et rauque d’un bœuf lent,
je pense à ton amour qui veille sur mon âme
comme un souffle de pauvre à quelque pauvre flamme.

Oh ! Si tu viens jamais sur ma route torride
où retentit le chant de la cigale acide,
arrête-toi devant le seuil où les enfants
regardent se traîner avec sa chienne lente
le jeune homme des temps anciens que je suis,
et dont on trouvera, dans les années fanées,
dans le tiroir profond d’une armoire plaintive,
quelques lettres d’amour que l’on devra brûler…

Que n’ai-je été plutôt le jeune homme modèle,
celui que l’on admire au chapitre dernier,
celui de qui de Lias, le conseiller de Cour,