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Et moi je m’inclinais, gravissant devant toi
la misérable rue au pied de la montagne,
prosterné à mourir devant ces pauvretés.
Tu ne comprenais pas ce qu’il y avait en moi
pour délaisser ainsi, un moment, ta beauté…
Mais je voyais l’oiseau que torturait sa cage,
ce chat et cet enfant bossu, l’un près de l’autre,
et tous également pleins de l’âme de Dieu.

Et ta main fine se posa sur mon épaule.
Et je levai les yeux, lentement, vers tes lèvres,
puis les en détournai pour regarder encore
un seuil noir où tremblait une vieillarde idiote.
Et la cloche battait toujours dans le Dimanche.
La douceur de ta chair se mêlait dans mon âme
à celle des taudis, dans une oraison blanche
plus douce qu’un chant clair d’enfants tenant des branches.

Tu ne comprenais pas les mots de mon silence.
Et, revenus, tu dis : Ami, tu es un peu triste ?…
Puis-je te consoler ? Veux-tu que je te lise…