Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Peut-être, quand je serai mort, un enfant doux
se rappellera qu’il a vu passer dans l’allée
un jeune homme, en chapeau de soleil, qui fumait
sa pipe doucement dans un matin d’Été.

Et toi que j’ai quittée, tu ne m’auras pas vu,
tu ne m’auras pas vu ici, songeant à toi
et traînant mon ennui aussi grand que les bois…
Et d’ailleurs, toi non plus, tu ne comprendrais pas,
car je suis loin de toi et tu es loin de moi.
Je ne regrette pas ta bouche blanche et rose.
Mais alors, pourquoi est-ce que je souffre encore ?

Si tu le sais, amie, arrive et dis-le-moi.,
Dis-moi pourquoi, lorsque je suis souffrant,
il semble que les arbres comme moi soient malades ?
Est-ce qu’ils mourront aussi en même temps que moi ?
Est-ce que le ciel mourra ? Est-ce que tu mourras ?


1890.