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Tu peux interroger son bois mystérieux.
Il te racontera mes rêves de petit garçon.
Ils sont si purs que tu peux, amie, les entendre.
C’est en dormant sur ce vieux coffre odorant
que mon cœur s’est peuplé de jeunes filles tendres
et d’arbres indiens où montent des serpents.

Que ta main, en passant, frôle pour se bénir
la correspondance grave de mon grand-père.
Il dort au pied de la Goyave bleue, parmi
les cris de l’Océan et les oiseaux des grèves.
Dis-lui que tu t’en vas trouver son petit-fils.
Son âme sourira à ta grâce un peu frêle.

Tu comprendras alors de quel charme je m’enchante,
de quelles vieilles fleurs mon âme est composée,
et pourquoi, dans ma voix, de vieillottes romances
ont l’air, comme un soleil mourant, de se traîner,
pareilles à ces anciens et tristes jeunes gens
dont la mémoire gît dans l’octobre des chambres.