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Si tu n as pas vu l’aube douce qui brode la nuit
et qui allume, au bord des mares, les angéliques,
je t’indiquerai l’aube en te fermant les yeux
avec un baiser long comme l’aube elle-même.
Et ton cœur sera plein d’un jour blanc qui se lève,
car je te poserai de l’aube sur les lèvres.

Et si tu n’as pas vu ce joli sentiment
que Zénaïde Fleuriot a nommé l’amour,
je te l’expliquerai lentement, lentement,
comme si tu hissais ta bouche vers ma bouche,
avec tes genoux ronds pressés à mes genoux.
Alors, tu verras ce sentiment qui est l’amour,
que l’on cache beaucoup et dont on parle tant.

Pourquoi suis-je si jeune, pourquoi dans mon cœur frais
y a-t-il comme un frisson de soir aux noisetiers ?
Je suis fou. Je te veux sur le bleu des pelouses,
vers sept heures, lorsque la lune au haut du ciel
pleut sa lumière humide au front des vaches rousses
dont la corne porte encore un morceau de soleil.