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Vous savez, ô mon Dieu, qu’il y a quelque chose
qui manque à ce qu’on appelle le bonheur,
et qu’il n’existe point, et qu’il n’est pas de gloire
complète, ni d’amour, ni de fleur sans défaut,
et qu’à ce qui est blanc il y a toujours du noir…

Mais faites, ô mon Dieu, qu’il soit beau, qu’il soit pur,
le jour où je voudrais, poète pacifique,
voir autour de mon lit des enfants magnifiques,
des fils aux yeux de nuit, des filles aux yeux d’azur…
Qu’ils viennent, sans un pleur, considérer leur père,
et que la gravité qui sera sur ma face
les fasse frissonner d’un large et doux mystère
où ma mort leur apparaîtra comme une grâce.

Que se disent mes fils : La gloire est vaine et laisse
de l’inquiétude à ceux qui savent que Dieu seul
est poète en posant le parfum des tilleuls
aux lèvres doucement fraîches des fiancées.
Que se disent mes fils : L’amour c’est l’ironie