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Scène Troisième


L’hiver. Non loin d’un village de la montagne. La neige. Le ciel gris brille. Le poète entend de petits cris sortir de sous une racine. Il regarde et voit une jolie rose qu’il veut cueillir à l’endroit où ça crie.

Cette rose, c’est l’oiseau son ami qui parlait si bien sur la montagne et qui est blessé. Il le ramasse.

Une grande douleur serre le cœur du poète. Une haine terrible vers ce je ne sais quoi qui fait souffrir fait trembler sa main.

Il considère l’oiseau qui palpite, puis les montagnes. Ces montagnes sont à genoux sur la terre, graves comme des veuves qui prient, bonnes comme des chiens qui veillent sur des troupeaux. L’oiseau se ranime un peu. Il reconnaît le poète et lui dit :


J’ai reçu un coup de fusil. Oui… Là-bas.
Je m’étais égaré dans la neige, ayant faim,
le corps en boule et sautillant sur une patte.