Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA JEUNE FILLE

L’âme des roses pleut sur la hutte et l’embrase.
Ma bouche aussi s’effeuille, et mes bras qui t’embrassent
t’aiment, et toute moi t’aime, et mes yeux bleus aussi,
mes jambes élancées et mes cheveux roussis.
Pauvre cœur. Et ici, du moins, tu trouveras
l’asile simple et pur et calme de mes bras
par quoi tu guériras et par quoi tu oublieras.
Ce sera le refuge espéré du poète,
la simple vie vécue au milieu des écorces
que le Printemps juteux parfume de sa force
et l’Automne orageux recouvre de lichens.
L’Été nous donnera les pèches de la vigne,
le parfum du buis noir et celui du fenouil.
L’Hiver nous donnera les noisettes séchées,
les contes de l’aïeule et le fil des quenouilles.

LE POÈTE

Je vais donc vivre enfin, ô jeune fille nue,
chaude comme un soleil dans la fraîche avenue.
Je t’ai trouvée, amie aimée que j’attendais
depuis si longuement que mon cœur se mourait.