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Le soleil est monté dans le ciel. La matinée devient torride. Dans la sécheresse des terres crient les grillons. Dans les épaisses prairies éclatent les reines-marguerites et bougent les minces lins bleus. Le vol blond des hannetons poudroie sur les feuilles luisantes des chênes. Les bras des arbres hissent dans l’azur des soleils de gui. L’azur, d’un rose ardent et luisant, caresse la forêt, lointaine encore, pareille à une colline. Un souffle fait frémir un cerisier, puis se meurt. Mille oiseaux chantent. Les becs-fins se perchent aux aubépines, la queue saluante, et les piverts, semblables à des fuseaux, trament des courbes dans le ciel. Les claies d’or des bosquets projettent leurs cadres d’ombre sur l’émeraude des bruyères et des fougères.



LE POÈTE

Approchons-nous ?

LA PETITE VIEILLE

Approchons-nous ? Tu vois là-bas la forêt noire.
C’est un reposoir frais comme le Paradis.
Nous l’atteindrons à l’heure rouge où les midis
balancent aux clochers paysans leurs ailes bleues.

LE POÈTE

Mon cœur meurt en songeant que dans la canicule,
dans les coquelicots, au bord des gaves frais,
celle qui fut ma joie, légère comme un tulle,