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LE POÈTE

Dis, celle qui partit qu’est-elle devenue ?

LA PETITE VIEILLE

Ne pleure pas, enfant. Va. Gagne la forêt.
Ce qui manquait au lit de l’ancienne maîtresse
n’étaient ni l’églantier défleuri, ni les tresses
de rosée rose et bleue, ni la douce paresse
qui fait que l’on s’endort avec les bras brûlants ;
c’était bien plus que la douleur qui te manquait :
la résignation que l’on nomme bonté.
Mais elle existe, ami, sereine et naturelle,
celle qui guérira ta blessure cruelle.
C’est celle qui habite au nid de mousse en fleurs,
née au milieu des bois, dont les bras gracieux
n’ont pressé que l’azur, croisés dessus sa gorge
plus gonflée qu’un soupir et plus blonde que l’orge.
C’est celle dont les yeux ne virent que le ciel,
qui se couche rieuse et dont le ventre bombe
vers le vol le plus haut des plus chastes colombes,
et dont les cheveux blonds n’ont subi que les ruches
qui les prenaient le soir pour des blés inconnus.