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sain et joli, qui est sujet à moi. Je prie madame sainte Geneviève qu’elle m’y puisse servir d’amie, dans ce malin claviau ici. Claviau banni de Dieu, je te commande que tu aies à sortir d’ici, et que tu aies à fondre et à confondre devant Dieu et devant moi, comme fond la rosée devant le soleil. O sel ! je te conjure de la part du grand Dieu vivant que tu me puisses servir à ce que je prétends, que tu me puisses préserver et garder mon troupeau de rogne, gale, pousse, de pousset, de gobes et de mauvaises eaux. » Avant toutes choses, à cette garde (rédigée, ainsi que les autres, par quelque paysan), ayez recours au château de Belle et faites le jet et les frottements, prononçant quelques formules.

Garde contre la gale. — « Quand Notre-Seigneur monta au ciel, sa sainte vertu en terre laissa. Pasle, Collet et Herve ; tout ce que Dieu a dit a été bien dit. Bête rousse, blanche ou noire, de quelque couleur que tu sois, s’il y a quelque gale ou rogne sur toi, fût-elle mise et faite à neuf pieds dans terre, il est vrai qu’elle s’en ira et mortira. » Vous vous servirez pour le jet et pour les frottements des mots suivants, et aurez recours à ce que nous avons dit au château de Belle : « Sel, je te jette de la main que Dieu m’a donnée. Volo et vono Baplista Sancta Aca latum est. »

Garde pour empêcher les loups d’entrer sur le terrain où sont les moutons. — Placez-vous au coin du soleil levant et prononcez cinq fois ce qui va suivre. Si vous ne le souhaitez prononcer qu’une fois, vous en ferez autant cinq jours de suite. « Viens, bête à laine, je te garde. Va droit, bête grise, à gris agripeuse ; va chercher ta proie, loups et louves et louveteaux ; tu n’as point à venir à cette viande qui est ici. » Ceci prononcé au coin que nous avons dit, on continue de faire de même aux autres coins ; et, de retour où l’on a commencé, on le répète de nouveau. Voyez pour le reste le château de Belle, puis faites le jet avec les paroles qui suivent : Vanus vanes, attaquez sel soli.

Garde pour les chevaux. — « Sel, qui es fait et formé de l’écume de mer, je te conjure que tu fasses mon bonheur et le profit de mon maître ; je te conjure au nom de Grouay, Rou et Rouvayet ; viens ici, je te prends pour mon valet (en jetant le sel). (Gardez-vous de direRouvaye.) Ce que tu feras, je le trouverai bien fait. » Cette garde est forte et quelquefois pénible, dit l’auteur. Voy. Oraison du loup. (Une variante.)

Trows, esprits qui, dans l’opinion des habitants des îles Shetland, résident dans les cavernes intérieures des collines. Ils sont habiles ouvriers en fer et en toutes sortes de métaux précieux. Voy. Mineurs, Montagnards, etc.

Truie. Les juges laïques de la prévôté de Paris, qui étaient très-ardents, firent brûler en 1466 Gillet-Soulart et sa truie, pauvre charlatan qui avait simplement appris à sa pauvre truie l’art de se redresser et de tenir une quenouille. On l’appelait la truie qui file, et une enseigne a conservé son souvenir. On voyait là une œuvre du diable. Mais il fallait qu’il y eût encore là-dessous quelque horreur.

« Rien de plus simple, dit alors M. Victor Hugo (Notre-Dame de Paris), qu’un procès de sorcellerie intenté à un animal. On trouve dans les comptes de la prévôté pour 1466 un curieux détail des frais du procès de Gillet-Soulart et de sa truie, exécutés pour leur démérites à Corbeil. Tout y est : le coût des fosses pour mettre la truie, les cinq cotrets pris sur le port de Morsang, les trois pintes de vin et le pain, dernier repas du patient, fraternellement partagé par le bourreau, jusqu’aux onze jours de garde et de nourriture de la truie, à huit deniers parisis chacun. »

La truie a ses fastes dans l’antiquité. Les Grundules étaient des espèces de dieux lares établis par Romulus en l’honneur d’une truie qui avait porté trente petits. Voyez Porcs.

Tschouwasches. L’irich ou jerich est un faisceau sacré devant lequel les Tschouwasches, peuplade de Sibérie, font leurs prières. Ce faisceau est composé de jets choisis du rosier sauvage, au nombre de quinze, d’égale grosseur, et longs d’environ quatre pieds, qu’on lie par le milieu avec une bande d’écorce, à laquelle on pend un petit morceau d’étain. Chaque maison en a un pareil à soi. Il n’est permis à personne de le toucher jusqu’en automne. Alors, lorsque toutes les feuilles sont tombées, on va en cueillir un nouveau et jeter dévotement l’ancien dans une eau courante.

Tullie. Vers le milieu du seizième siècle, on découvrit un tombeau près de la voie Appienne. On y trouva le corps d’une jeune fille nageant dans une liqueur inconnue. Elle avait les cheveux blonds, attachés avec une boucle d’or ; elle était aussi fraîche que si elle n’eût été qu’endormie. Au pied de ce corps, il y avait une lampe qui brûlait et qui s’éteignit dès que l’air s’y fut introduit. On reconnut à quelques inscriptions que ce cadavre était là depuis quinze cents ans, et on conjectura que c’était le corps de Tullie, fille de Cicéron. On le transporta à Rome ; on l’exposa au Capitole, où tout le monde courut en foule pour le voir. Comme le peuple imbécile commençait à rendre à ces restes les honneurs dus aux saints, on le fit jeter dans le Tibre. Voy. Lampes merveilleuses.

Turlupins, secte de libertins qui allaient tout nus, et qui renouvelaient en France, en Allemagne et dans les Pays-Bas, au quatorzième siècle, les grossièretés des anciens cyniques. Ils disaient que la modestie et les mœurs étaient des marques de corruption, et que tous ceux qui avaient de la pudeur étaient possédés du diable.