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Menées des Grecs, au 16 octobre, « qu’un religieux du désert de Scélé, ayant été excommunié par son supérieur pour quelque désobéissance, sortit du désert et vint à Alexandrie, où il fut arrêté par le gouvernement de la ville, dépouillé du saint habit, puis vivement sollicité de sacrifier aux faux dieux. Le solitaire résista généreusement ; il fut tourmenté en diverses manières, jusqu’à ce qu’enfin on lui tranchât la tête ; on jeta son corps hors de la ville. Les chrétiens l’enlevèrent la nuit, et l’ayant enveloppé de linceuls l’enterrèrent dans l’église comme martyr. Mais pendant le saint sacrifice de la messe le diacre ayant crié tout haut à l’ordinaire : « Que les catéchumènes et ceux qui ne communient pas se retirent », on vit tout à coup le tombeau s’ouvrir de lui-même et le corps du martyr se retirer dans le vestibule de l’église. Après la messe il rentra de lui-même dans son sépulcre. Un pieux vieillard ayant prié pendant trois jours apprit par révélation que ce religieux avait encouru l’excommunication pour avoir désobéi à son supérieur, et qu’il demeurait lié jusqu’à ce que ce même supérieur lui eût donné l’absolution. On alla donc au désert ; on en amena le supérieur, qui fit ouvrir le cercueil du martyr et lui donna l’absolution ; après quoi il demeura en paix dans son tombeau[1]. » C’est là un fait merveilleux que nous ne prétendons pas donner comme fréquent.

Dans le second concile de Limoges, tenu en 1031, l’évêque de Cahors raconte une aventure qui lui était particulière et qu’il présenta comme toute récente : « Un chevalier de notre diocèse, dit ce prélat, ayant été tué dans l’excommunication, je ne voulus pas céder aux prières de ses amis, qui me suppliaient vivement de lui donner l’absolution : je voulais en faire un exemple, afin que les autres fussent touchés de crainte ; il fut enterré par quelques gentilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques et sans l’assistance des prêtres, dans une église dédiée à saint Pierre. Le lendemain matin on trouva son corps hors de terre et jeté au loin de son tombeau, qui était demeuré entier, et sans aucune marque qui prouvât qu’on y eût touché. Les gentilshommes qui l’avaient enterré n’y trouvèrent que les linges où il avait été enveloppé ; ils l’enterrèrent une seconde fois et couvrirent la fosse d’une énorme quantité de terre et de pierres. Le lendemain ils trouvèrent de nouveau le corps hors du tombeau, sans qu’il parût qu’on y eût travaillé. La même chose arriva jusqu’à cinq fois. Enfin ils enterrèrent l’excommunié comme ils purent, loin du cimetière, dans une terre profane ; ce qui remplit les seigneurs voisins d’une si grande terreur qu’ils vinrent tous demander la paix[2]. »

Jean Bromton raconte dans sa chronique que saint Augustin, apôtre de l’Angleterre, ayant dit devant tout le peuple, avant de commencer la messe : « Que nul excommunié n’assiste au saint sacrifice ! » on vit sortir aussitôt de l’église un mort qui était enterré depuis longues années. Après la messe, saint Augustin, précédé de la croix, alla demander à ce mort pourquoi il était sorti. Le défunt répondit qu’il était mort dans l’excommunication. Le saint pria cet excommunié de lui dire où était enterré le prêtre qui avait porté contre lui la sentence. On s’y transporta. Augustin conjura le prêtre de se lever : il le fit ; à la demande du saint évêque, il donna l’absolution à l’excommunié, et les deux morts retournèrent dans leurs tombeaux. » Les Grecs schismatiques croient que les corps excommuniés ne pourrissent pas en terre, mais qu’ils s’y conservent noirs et puants.

En Angleterre, le tribunal des doctors commons excommunie encore ; et, en 1837, il a frappé de cette peine un marchand de pain d’épices, nommé Studberry, pour avoir dit une parole injurieuse à un autre paroissien, dans une sacristie anglicane. Voy. Interdit.

Excréments. On sait que le dalaï-lama, chef de la religion des Tartares indépendants, est regardé comme un dieu. Ses excréments sont conservés comme des choses vénérables. Après qu’on les a fait sécher et réduire en poudre, on les renferme dans des boîtes d’or enrichies de pierreries, et on les envoie aux plus grands princes. Son urine est un élixir propre à guérir toute espèce de maladie. Dans le royaume de Boutan, on fait sécher également les plus grossières déjections du roi, et après les avoir renfermées dans de petites boites, on les vend dans les marchés pour saupoudrer les viandes. Voy. Déjections, Fiente, Tanchelm, Vache, etc.

Exorcisme, conjuration, prière à Dieu et commandement fait au démon de sortir du corps des personnes possédées. Souvent il est seulement destiné à les préserver du danger. On regarde quelquefois exorcisme et conjuration comme synonymes ; cependant la conjuration n’est que la formule par laquelle on commande au démon de s’éloigner ; l’exorcisme est la cérémonie entière[3]. — Les gens qui s’occupent de magie ont aussi leurs exorcismes pour évoquer et renvoyer. Voy. Conjurations.

Voici une légende bizarre sur un exorcisme : on lit dans Césaire d’Hesterbach[4] que « Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au diocèse de Liège, étant allé à Cologne avec deux de ses moines, fut obligé de tenir tête à une possédée. Il fit à l’esprit malin des questions auxquelles celui-ci répondit comme il lui plut. Le diable fai-

  1. D. Calmet, Dissertation sur les revenants, p. 329.
  2. Concil., t. IX, p. 902.
  3. Bergier, Dictionnaire théologique.
  4. Caesarii Heisterbach miracul., liv. V, ch. xxix, et Schellen, De diabol., liv. VII.