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LES SENSATIONS DE SURFACES

verait ainsi à lire musicalement, parce que les différences infimes de la durée seraient identifiées avec les différences infimes des dimensions.

On introduirait entre les notes un élément élastique infiniment plus subtil que celui inhérent aux mesures uniformes de l’écriture, même déduction faite de ses imperfections surajoutées inconsciemment. Car, par ces genres d’écartement de groupes de notes, on croit faciliter la lecture musicale, sans se douter de l’élément antimusical qui, dans certains cas, s’en dégage pour l’interprétation, parce qu’on ignore la fusion des perceptions des sens et l’unification d’action qui s’en dégage.

On est loin de supposer qu’un faible écartement supplémentaire introduit dans la gravure d’une série de notes puisse influencer défavorablement l’œil, et que cette influence transmise aux touches par les mouvements des doigts finit par influencer non moins défavorablement l’oreille.

Si, un jour, une réforme de ce genre devait être tentée, l’écriture musicale deviendrait elle-même une œuvre d’art, non seulement par rapport aux sensations auditives que le lecteur peut éprouver en lisant, mais par rapport aux sensations visuelles qu’il pourrait éprouver.

Et, lorsque l’art aurait acquis l’affinement qu’exige ce genre de lecture, le problème du rythme serait reculé d’autant ; à travers ces gradations perçues dans l’écriture, la pensée du lecteur ou de l’interprète en percevrait d’autres, plus minimes encore ; plus la conscience de la divisibilité évolutive du temps progresserait par le perfectionnement visuel,

Jaell. — Intel. et rythme.
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