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LE TOUCHER MUSICAL.

Le compositeur pourrait alors vivifier l’écriture, tout en conservant la distribution des valeurs des notes. Car, selon qu’il les écarterait ou les rapprocherait les unes des autres, les oscillations rythmiques accélérées ou ralenties se transmettraient au regard du lecteur ou de l’interprète.

L’intensité de la fusion rythmique entre l’action visuelle, auditive et tactile.

En faveur de la possibilité d’une éducation de ce genre, il est à noter combien, dans notre écriture musicale actuelle, l’œil perçoit plus de choses qu’on ne sait. Car, si certains exécutants introduisent des arrêts injustifiés entre les mouvements successifs par lesquels leurs doigts exécutent certains traits, c’est que ces arrêts peuvent précisément correspondre à certains écartements conventionnels admis dans la gravure des notes. L’écart, pour l’œil, produit le retard pour l’oreille.

Ces rapports faux, dont les exemples sont multiples, se produisent lorsque dans un trait de seize doubles croches, par exemple, l’écart est plus grand entre les 4e et 5e, les 8e et 9e, les 12e et 13e notes, qu’entre les autres notes. L’œil s’accroche à ces différences, et les doigts traduisent inconsciemment l’écart perçu par l’œil, sous forme d’un retard dans l’enfoncement des touches.

On se rend compte combien, au contraire, l’unité d’allure rythmique de certains traits serait rehaussée si les notes étaient graduellement plus rapprochées ou plus éloignées, selon qu’il s’agit d’un rythme légèrement accéléré ou retardé ; l’œil arri-