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— Là, sur l’eau.

— Quoi, par le sang du Christ ?

— Les têtes des chiens à la naze, donc.

— À la nage ?

— Eh ! oui ; l’Indien est entré… malgré loui, dans le fleuve en cet endroit, et les admirables molosses souivaient sa piste dédans l’eau.

Trop frustes pour comprendre l’énorme plaisanterie de l’Italien, les auditeurs échangèrent des regards admiratifs.

Candi eut l’intuition du succès, et, d’un ton persuasif :

— Zé les ai sifflés ; rien, ils tournèrent même pas la tête… et pouis zé n’ai plus rien vu du tout

— Mais, grommela Kasper, s’ils suivent ainsi un corps emporté par le courant, ils iront loin.

— Zousqu’à la mer, ze pense, fit gravement l’Italien.

Personne ne protesta. Dans les épaisses cervelles des bandits, l’histoire saugrenue de Candi avait trouvé créance. C’est, du reste, depuis ce temps que l’on raconte, aux veillées brésiliennes, l’histoire mirifique du dogue qui poursuit un voleur, depuis le haut Maranan jusqu’à l’embouchure de l’Amazone, où il le capture enfin, au moment où il va s’embarquer sur un navire à destination de l’Europe.

Comme on le voit, la légende américaine est d’origine italienne.

Pendant une demi-heure, les bandits sifflèrent, appelèrent les chiens, qui se gardèrent de répondre, et pour cause.

De guerre lasse, tous regagnèrent l’osteria, burent une dernière rasade ; puis, sautant en selle, s’éloignèrent à toute bride, pour aller raconter à leur chef le résultat de leur expédition.

Quand le bruit du galop de leurs chevaux se fut éteint au loin, Crabb et Candi gagnèrent la rive, ils s’enfoncèrent dans le taillis à la recherche de Jean.

Ils le trouvèrent dans un espace dénudé. On eût dit que le feu avait passé par là.

Arbres, buissons, fleurettes, mousses, tout avait