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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

serrée à la taille par l’obi, la large ceinture dont le pan retombe gracieusement sur la hanche ; elle avance ses petits pieds emprisonnés dans les chaussures, tabi, d’étoffe blanche…

En même temps, elle accroche à une agrafe d’or en éventail sentant la fabrication parisienne, et dans un petit sac, elle glisse un mouchoir de fine batiste, autre innovation européenne dans ce pays des mouchoirs en papier, qu’elle a d’abord arrosé d’un parfum pénétrant sortant de Rummel’s Perfumery.

Elle était encore gracieuse et charmeresse, bien qu’elle eût dépassé le milieu de la vie, et l’on comprenait, à la voir, son influence sur l’esprit du Mikado ; influence heureuse, hâtons-nous de le dire, car la douce créature entraîne son époux vers un but de bonté, de progrès, de grandeur, de noblesse.

Mais ses sourcils noirs, allongés au pinceau, se froncent. Elle secoue la tête comme si elle se reprochait le temps perdu à la satisfaction de sa coquetterie, et d’une voix à laquelle une pharyngite, légère mais chronique, donne un voile mystérieux, elle appelle :

— Cherry !

La servante parait aussitôt en son uniforme bleu et argent, couleurs préférées de la souveraine.

— Tu m’appelles, Étoile du Matin ?

— Oui… Rien du monastère de Fousi ?

— Pardon, douce Perle des Ondes Vertes, un bonze attend ton bon plaisir.

— Qu’il entre ! qu’il entre vite !

Une buée rose est montée aux joues de l’impératrice. Cerise, elle, a disparu sans bruit.

Et un petit homme jaune entre, comique avec sa longue redingote noire, son pantalon, ses souliers vernis, le haut de forme huit reflets qu’il tient à la main.

La souveraine a un sourire à l’adresse de ce spécimen du Japon moderne.

— Oh ! bonze Lao-Tésu, tu suis toujours la mode des gens d’Europe.

Le bonze s’incline :

— C’est l’imitation de ces gens qui nous a donné la victoire sur les Ourouss (Russes), qui a fait de notre Mikado le plus grand prince du monde. Il faut marquer cela. Il faut le faire pénétrer dans l’esprit des Nippons encore réfractaires. C’est pour cela que moi,