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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

l’anarchie, c’est le choc des ambitions, des appétits, des intérêts… C’est l’Europe et l’Amérique aux prises, se disputant les riches territoires, surabondamment peuplés, consommateurs d’une inépuisable capacité offerts aux industries rivales… La conséquence normale, naturelle, inéluctable, est la guerre, cent fois plus atroce que dans le passé, car elle mettra aux prises, non plus deux nations, mais deux parties du monde.

— Le seul moyen de remédier à cela, s’écria ironiquement le délégué d’Allemagne, le seul moyen serait que les possesseurs de territoires asiatiques commençassent par les évacuer.

Le mauvais vouloir de l’Allemagne, puissance basée uniquement sur le militarisme, n’était un secret pour personne. Sans cesse le délégué d’Empire avait cherché à entraver les travaux du Congrès de la Paix, et lorsque tous les assistants avaient voté « oui », en faveur de la formation des États-Unis d’Europe, seul il avait voté « non ».

Le choix même du personnage avait été un défi à la paix. Son nom rappelait à la France une douleur ineffaçable, que, dans un élan humanitaire, elle s’efforçait d’oublier. Il portait le titre de comte de Strasbourg.

Mais, à la surprise générale, Léon Villageois repartit sans sourciller :

— Justement !… C’est ce que, d’accord avec mon collègue d’Angleterre, sir Goodneforte, je souhaitais proposer. Les avances considérables consenties par les gouvernements intéressés pour doter des régions asiatiques d’une administration, de routes, canaux, chemins de fer, etc., figureraient au budget des nations rendues libres, sous la rubrique : « Dette flottante » ; il serait prévu un intérêt annuel et un délai normal d’amortissement.

— L’Empire d’Allemagne ne consentira jamais à abandonner ainsi ses possessions de la province chinoise du Chan-Toung.

Le délégué français continua :

— La Russie, le Japon, l’Angleterre, l’Allemagne et la France sont les principaux propriétaires des provinces asiates. Plaise au Congrès de décider s’il y aurait lieu de provoquer un vote spécial de ces cinq puissances, l’avis de la majorité devant préva-