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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

ment, si naturellement correcte, que lord Ironstick obéit à un besoin instinctif de s’excuser.

— Mesdames, messieurs, vous savez que le commandant d’une escadre ne doit pas quitter son bord. J’ai donc été obligé de vous prier de vous déranger.

Le ton était bien différent de celui auquel s’attendaient les voyageurs.

Aussi, la petite duchesse, calmée par la courtoisie de la déclaration, répondit en riant :

— Nous l’avons d’autant mieux compris, monsieur l’amiral, que les cartes de visite en acier qui, elles, ont pu quitter votre bord, ne nous laissaient aucun doute sur votre désir d’entrer en relations avec nous.

L’allusion aux obus du début amena un sourire sur tous les visages.

Lord Ironstick lui-même se dérida :

— L’esprit de riposte, madame, me démontre que vous êtes Française…

— Et Française de Paris, reprit la charmante femme… duchesse de la Roche-Sonnaille, qui prend la liberté de vous présenter son mari ; une amie, presque une sœur, Mlle Mona Labianov, et un homme de grand cœur, grâce auquel nous avons échappé aux plus effroyables dangers, M. Dodekhan.

Puis, sans y être invitée, poussée en quelque sorte par la sympathie qu’elle sentait grandir autour d’elle, Sara narra en quelques mots l’étrange voyage de noces qui l’avait amenée de Paris à bord du Majestic, en passant par La Haye, le Cap Horn, Kiao-Tcheou, Ki-Lua et Haïphong.

Tous écoutaient, une stupeur dans les yeux, un peu incrédules aussi.

Certes, personne ne mettait en doute la bonne foi de la narratrice, mais, en véritables Anglais, les assistants ne pouvaient croire à la puissance redoutable organisée par les hommes de race jaune.

Évidemment, on se trouvait en présence d’exagérations, de grossissement des faits, tout naturels de la part de femmes et de gentlemen non pourvus de sagesse, de bon sens, par cette panacée universelle des écarts d’esprit que l’on dénomme la nationalité britannique.

— Ce que je retiens de tout cela, souligna finalement le lord amiral c’est que vous avez été victimes d’audacieux coquins, et que notre rencontre, com-