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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Le Turkmène secouait le gardien du phare, le réveillait, lui intimait l’ordre de se rembarquer et de ramener les deux canots, l’un remorquant l’autre, aux pêcheurs qui les avaient loués aux voyageurs.

Et comme le vieux marin, abasourdi, grommelait :

— Mais si je m’en vais ainsi, vous resterez prisonniers à bord ?

Le jeune homme répondit :

— Oui, nous voulons voir l’équipage quand il reviendra.

Et il le poussa vers la coupée.

Sans doute, le brave homme, ayant touché son argent, jugea peu intéressant de discuter, car il se laissa glisser jusqu’à son canot, se servit de l’amarre pour fixer à l’arrière la seconde embarcation, et se mettant aux avirons, disparut bientôt dans la nuit.

— Et maintenant à nous, s’écria Joyeusement Dodekhan.

— Que voulez-vous donc faire ? questionna Mona.

— Vous reconduire en Europe sur ce Maharatsu, naguère votre prison ; à présent, un bon navire où vous commanderez.

Mais changeant de ton :

— À plus tard les éclaircissements… Il s’agit d’être loin lorsque le jour viendra.

Sur ces paroles énigmatiques, il se précipita vers l’escalier des cabines et s’y engouffra.

Sara regarda Lucien, puis Mona… lisant dans leur attitude la même curiosité déçue qu’elle sentait en elle-même.

Mais tous demeurèrent comme figés… Un grincement métallique régulier, continu, bourdonnait à leurs oreilles. Derechef ils s’entre-regardèrent.

— On dirait le frottement des chaînes d’ancre filant dans l’ouverture de l’écubier ; ce bruit correspond à celui que j’ai entendu souvent, alors que l’on relève les ancres.

— Mais c’est impossible.

— Ma foi, pour nous ramener en Europe, comme le disait notre ami Dodekhan, il me parait utile de lever l’ancre dans cette rade de Hon-Dau.

Rien à répliquer à cela… Au surplus le bruit continua quelque temps puis cessa. Seulement les trois voyageurs eurent l’impression que le léger roulis qui agitait le navire était devenu plus doux.

Ils ne se trompaient pas. Un système de leviers