Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
309
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

jections lumineuses, on peut tout de même arriver sans être aperçu.

Et finaud, ravi d’étaler sa malice devant un auditoire complaisant :

— Tenez, voyez là, au sud, ce promontoire qui s’avance et couvre la baie dans laquelle leur bateau est au mouillage. On s’embarque derrière la pointe… Quand on la dépasse, on est caché par la coque même du navire, puisque les veilleurs sont là-bas, au nord, dans le village… On vient accoster, malgré toutes les projections du tonnerre de Bouddha !

Le Turkmène eut un geste admiratif.

— C’est vrai ! c’est vrai ! Je n’aurais jamais trouvé cela.

— Bien sûr, reprit le gardien en se rengorgeant. Faut l’habitude de la côte. Pour en finir, le seul moment scabreux est celui où on grimpe l’échelle de la coupée, pour sauter sur le pont… Faut choisir son instant, entre deux projections… Pas bien difficile, n’est-ce pas ? Une fois à bord, on fait un somme… Aussi long que l’on veut, pourvu que l’on s’en aille avant l’aube.

— Vous me donnez envie de vous accompagner.

À cette proposition, faite par le jeune homme du ton le plus naturel, le marin répondit par une moue significative.

Mais Dodekhan ne lui laissa pas le temps de formuler ses objections.

— Je serai à l’arrière de votre canot, je ne vous gênerai en rien… Pour franchir la coupée entre deux projections, je saurai m’en tirer ; ça, c’est à la portée de tout le monde… Enfin, acheva-t-il, comme nous serons deux, je double la somme.

On ne pourrait dire ce que pensait le gardien des premiers arguments de son interlocuteur : mais à coup sûr le dernier lui parut péremptoire, car il ponctua la promesse par un énergique :

— C’est entendu, Monsieur. Je me ferais scrupule de mécontenter un si honnête homme.

Un quart d’heure plus tard, tous les détails de l’expédition étaient réglés.

Le vieux marin installait son compagnon de veille, sous le prétexte de guider les voyageurs dans une promenade sur les rives du Cua-Cam, puis il s’éloignait avec les Européens.

Par la côte, on gagnait Sam-Deap, petit village de