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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

où délirait la petite duchesse. Le mal perdait peu à peu du terrain.

Le jour même, le docteur avait déclaré que Sara allait tomber dans un sommeil profond, dont elle sortirait convalescente.

Et depuis de longues heures, Mona épiait ce réveil.

Sara dormait toujours, calme, paisible, sa respiration égale disant le repos réparateur, d’où les ressauts de la fièvre s’en étaient allés.

On heurta légèrement à la porte. Vite la jeune Russe ouvrit.

— Ah ! c’est vous, docteur, fit-elle, heureuse de n’être plus seule avec sa pensée.

Le praticien entra et la voix abaissée :

— Elle dort toujours.

— Oui.

— Tant mieux. Je m’en doutais du reste, et j’ai pris le temps de dîner… Vous en avez fait autant, mademoiselle ?…

Mona secoua la tête.

— Pas dîné… Malheureuse enfant ! Mais il faut réparer cette omission au plus vite. Pas dîné… Comment voulez-vous être forte ; comment voulez-vous avoir des idées nettes si vous ne dînez pas ?… Les femmes ne comprendront donc jamais que le corps humain est un foyer… les aliments sont le charbon nécessaire à la combustion, à la production de chaleur… Pas de charbon, pas de feu, le poêle s’éteint… et bonsoir !

Comme elle le regardait, hésitante :

— Vous allez me faire le plaisir de dîner… et de prendre votre temps… notre malade ne se réveillera pas avant deux heures.

— Pas avant ?

Le docteur fit de gros yeux :

— Pas avant, mademoiselle. Morbleu ! je dois savoir le dosage de ma dernière potion peut-être.

— J’obéis, j’obéis, s’écria Mona.

Il eut un sourire.

— À la bonne heure. Mais auparavant un mot. Notre malade est tirée d’affaire ; il ne nous faut pas de rechute.

— Vous craindriez ?…

— Le souvenir précis, frappant brusquement son cerveau anémié, pourrait déterminer un retour offensif… et cette fois…