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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Mais comment jugerez-vous du moment opportun ?

— Je vais placer des guetteurs en un point déterminé d’avance et visible d’ici à la lorgnette… au signal qu’ils me feront, j’appuierai sur le bouton et… Log, San, leurs complices… sauteront.

Le mot tomba lugubre, tel un glas. Dans le silence lourd, les trois causeurs se regardèrent ; ils se virent les traits blêmis, éclairés par leurs yeux brillants de fièvre.

Le lieutenant s’interrompit avec un geste trahissant l’embarras :

— Une difficulté… Comme veilleurs, je ne puis compter que sur mes cinq sous-officiers français. Deux vont être occupés au sans-fil, — il désignait l’antenne dressée en arrière de sa cabane, — car je dois aviser, sans retard, les postes environnants… Et la communication sera longue, personne ne soupçonnant la conspiration que vous venez de m’apprendre.

— Eh bien, riposta légèrement la duchesse, qui de cinq retire deux, reste trois.

— À peine suffisants pour surveiller le village et empêcher les habitants de courir au-devant des ennemis, de les aviser du danger qu’ils courent. Vous le voyez, madame, je raisonne comme si toute la population était affiliée.

Un mouvement de Sara trahit une hésitation vaincue :

— Est-il bien nécessaire que vos veilleurs soient militaires ?

— Non… mais l’élément civil étant uniquement composé d’indigènes, c’est-à-dire de gens dont le concours ne saurait être escompté, je ne vois pas…

— Et nous ?…

— Vous… vous… ? balbutia le lieutenant, hésitant à comprendre.

— Mais oui, nous. En quoi cela vous peut-il surprendre ? Je suis Française, ma jeune amie est Russe… Nous tenons donc l’une et l’autre à l’écrasement des ennemis de la France.

— Ah ! Madame ! Mademoiselle !

Dans un élan irréfléchi, Dalmaire avait pris les mains de ses interlocutrices et les serrait avec énergie, en répétant :

— Merci, merci… au nom de tous ceux qui défen-