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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Ces mots sonnèrent ainsi qu’un glas dans la cour. Un silence pesant suivit.

Enfin, Log se croisa les bras, darda sur San frissonnant devant lui un regard sinistre, et d’une voix dont le tremblement contrastait avec la douceur voulue :

— Tu n’as point aperçu cela ?

Le géant s’écrasa contre terre :

— Pardonne à ton fidèle, Seigneur. La nuit, sur la montagne déserte, l’image des démons nocturnes courbait mon esprit, comme la mousson courbe les herbes… J’ai vu et j’ai été terrifié… J’ai cru aux feux surnaturels… Je ne pensais pas que les inconnus de l’ombre protégeaient les Barbares.

D’un mouvement violent, dédaigneux, le Maître haussa les épaules :

— Imbécile ! murmura-t-il entre ses dents.

Puis rudement :

— Les esprits ne sont pour rien là dedans… Ce sont des hommes, des ennemis qui ont fait avorter mes projets.

Son poing se tendit menaçant vers les bâtiments d’asile :

— Encore des ; signes que m’a dissimulés Dodekhan. Il m’entend sans doute !… Il se rit de moi. Insensé !… Je veux le sang des Français, et j’en abreuverai notre terre, malgré lui… malgré tout. Que ses protégés vivent encore aujourd’hui. Je veux établir moi-même le cordon de nos factionnaires, de nos postes, autour de ce temple. Demain, je gagnerai la passe de Ki-Lua. Des détachements occuperont le sommet des deux escarpements : Fiancé de la Nuit, Fils du Jour seront gardés par les guerriers du Drapeau Bleu. À minuit, j’embraserai moi-même la cime rouge, et nous verrons si un feu jaune osera se montrer.

Puis, s’adressent au supérieur du sanctuaire :

— Et souviens-toi, prêtre, que nul ne doit sortir de ce temple sans un sauf-conduit de moi.

— Tes paroles sont gravées dans mon cœur, chantonna dévotieusement l’interpellé.

— Bien, j’y compte.

Enveloppant San et l’éclaireur des Pavillons Noirs d’un regard autoritaire, Log acheva :

— Vous, accompagnez-moi. Toi, guerrier, tu as rempli ta mission comme il convenait ; tu seras ré-