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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Elle la montra à ses compagnons :

— Voici le chemin de l’asile ; voici le sentier de la bonzerie de Lin-Nan-Lien !

Un à un, en file indienne, le chemin n’étant pas assez large pour que deux personnes pussent passer de front, les voyageurs s’engagèrent dans le conduit désigné par la fillette. Conduit est le mot juste.

C’était une sorte de ravine creusée certainement par les eaux au moment de la grande fonte des neiges, une de ces innombrables rigoles dont les ruisselets, dévalant les pentes, égratignent les flancs des montagnes.

Tantôt elle se déroulait entre deux talus inclinés : tantôt elle se glissait entre des murs de rochers, si rapprochés, qu’en certains endroits, le passage était à peine suffisant pour un homme.

Brusquement on déboucha sur un plateau.

Au centre, des murailles de clôture de brique, des pavillons aux toits superposés, étranges avec leurs retroussis d’angle, indiquaient les bâtiments du temple, les cellules des bonzes. En dehors de l’enceinte, de nombreuses paillottes étaient disséminées parmi l’herbe courte et drue du plateau. Sourire se tourna légèrement vers les jeunes filles et leur dit :

— Les abris pour les visiteurs à la saison des Dévotions Tendres à Tao-Ssé !

Dodekhan tressaillit. Les paroles de l’enfant venaient de ranimer un souvenir endormi dans son esprit.


Le temple de Lin-Nan-Lien est un lieu de pèlerinage taoïste, jouissant d’une grande vénération parmi les fidèles, très nombreux encore, de la doctrine du philosophe Tao-Ssé, rival de Confucius.

Eh oui ! Alors que son père, le créateur de la Fédération de toutes les Sociétés secrètes d’Asie, organisait son œuvre géante, il avait dû conquérir par des présents l’adhésion des prêtres du sanctuaire vénéré.

Il se souvenait… Il se souvenait. Oui, Sourire avait eu raison. Log, si puissant qu’il fût à cette heure, n’oserait enfreindre le droit d’asile du temple ; car la coutume de considérer comme inviolable la créature humaine couverte du manteau gris à parements jaunes des bonzes du monastère, est purement et simplement un droit d’asile. Il hâta le pas.

Là-bas, derrière la barrière d’entrée, grise de ton, rehaussée des lotus jaunes s’ouvrant en têtes de