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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— C’être beut-être une calanderie de mon mari. Cé cher Pousse, ché lui ai dit que ch’aimais pas lé mobilier… alors comme cé mois-ci, il a réalisé du pénéfice sur les droits dé douane… oui, oui, c’est une calanderie té mon télicieux époux.

Puis, par réflexion :

— Seulement, il aurait dû remplacer les obchets en les vaisant enlefer.

Sur ce, elle sonna.

Le carillon électrique tinta dans le silence et s’éteignit.

Une minute se passa, sans que s’éveillât le moindre écho.

Non sans impatience, la grosse Allemande chargée d’embellir les jours du herr Gouverneur, sonna de nouveau.

Cette fois, une grosso voix meugla dans une salle voisine :

— C’est vous, Flugelle, qui carillonnez ainsi ?

Elle eut un cri de joie.

— Mais oui, Fousse, mon doux cœur… Je ne sais ce que fait Graübé, ma fille de chambre… Ces domestiques sont insupportables, ils font la grasse matinée.

Un véritable rugissement, partant de la pièce affectée au repos du Gouverneur, terrifia Fraü Flugelle.

— Pourquoi faites-vous un cri aussi féroce, cher Fousse ?

— Parce que c’est trop fort.

— Quoi est si fort que cela ?

— Ce déménagement.

— Vous dites ?

— Qu’il n’y a plus une chaise, un meuble dans ma chambre… La table de nuit même !

Cette réponse, à travers la cloison, médusa la sensible Flugelle.

Son bonnet prit un air éploré, sa camisole palpita, et sans avoir conscience de l’inutilité de la question, elle clama d’une voix aiguë :

— Ce n’est donc pas vous qui avez tout fait enlever chez moi ?

— Ah çà ! Flugelle, vous parlez à un bon Allemand ; il faudrait être bête comme les autres peuples pour agir de la sorte… Et vous dites que tous vos meubles ?…