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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Brusquement, la voix de Sara s’éleva de nouveau. La petite duchesse, par un héroïque effort de volonté, s’était contrainte au calme et, sèchement :

— Je divague, je discute morale avec vous… Faut-il me mettre en route ?

Le géant frappa dans ses mains. Un homme sortit de la caverne.

— Voici votre guide, madame la Duchesse. Et faites bien attention…

— Oh ! pas de redites, gronda la jeune femme avec un mépris écrasant. La vie de Lucien vous répond de mon obéissance absolue… Seulement, — elle eut un ricanement menaçant, — prenez garde qu’il n’arrive pas à me mépriser…

— Oh ! fit légèrement le chef des Masques d’Ambre… Il n’aura rien à vous reprocher ; je lui réserve sa part de besogne.

La petite duchesse, si grêle auprès de l’athlétique personnage, le fixa avec tant d’insistance que, malgré lui, il baissa les paupières :

— Vous entendre me fait du bien, fit-elle lentement… Cela me réhabilite à mes propres yeux… Quelque infamie que vous m’imposiez, vous ne pouvez me rendre aussi vile que vous.

Et comme une légère rougeur montait aux joues de son interlocuteur :

— Bah ! que vous importe, n’est-ce pas ? Ce n’est pas avec de l’estime que l’on sert le plus fidèlement. La terreur vaut mieux.

Puis, se tournant vers le guide immobile :

— Allons, mon garçon… conduisez-moi à l’Hôtel Guillaume… Conduisez la duchesse de la Roche-Sonnaille, la bonne à toute honte d’une troupe de bandits.

Droite, fière, elle s’éloigna le long de la grève du lac, tandis que sur le sable d’or, les ondulations, flots minuscules, venaient s’étaler avec un doux clapotis.

— Pauvre Barbare ! soupirèrent les gamins du haut de leur rocher.

Et maintenant, silencieux, les yeux fixes, les sourcils froncés, ils regardaient le géant qui, les bras croisés sur la poitrine, suivait d’une attention moqueuse la silhouette de Sara marchant auprès du guide.

Enfin, Log eut un grondement sourd :