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CHAPITRE IV

GAMME D’ÉMOTIONS


Les luxueux salons de la légation d’Espagne resplendissaient de lumières. Une foule nombreuse, bigarrée, s’y pressait.

Pour clôturer la saison, une dernière soirée s’y donnait, réunion de haute mondanité, dont la fantaisie des invités faisait à la fois une revue d’exquise élégance et une fête parée, costumée et travestie.

Toutes les notabilités de la colonie espagnole, si brillamment représentée à Paris, formaient, si l’on peut s’exprimer ainsi, le fonds de l’assistance. Avec les grands noms transpyrénéens, des membres des ambassades, députés, sénateurs, ministres, sommités artistiques, scientifiques ou littéraires, étaient accourus à l’appel du représentant des jeunes souverains de la péninsule.

Parmi la correction des costumes de gala, les travestissements, merveilleux pour la plupart, ridicules pour le petit nombre, ainsi qu’il advient toujours en semblable affluence, jetaient dans les salons leurs tons lumineux, des chatoiements de soies, de velours, de paillettes et de bijoux. Mais vers onze heures du soir, tous les visages exprimaient l’attente. Rien d’anxieux au demeurant, mais simplement une curiosité aiguë.

Une séance d’hypnotisme avait été annoncée, en ternes si suggestifs, que l’on s’attendait à des incidents inédits, à un « je ne sais quoi » d’inhabituel, qui secouerait les âmes blasées de ces riches oisifs, de ces poètes, politiques, financiers.

Les cartes d’invitation portaient, en effet ces mots :

« La Peau-Rouge Marahi, cacique et voyante de sa tribu, sera présentée par le major von Foorberg, de Hambourg. »

Von Foorberg, ce nom avait mis les cervelles à l’envers. Ce n’était point là un professionnel du magnétisme. Tout le monde connaissait Foorberg, négociant millionnaire, dont les entreprises commerciales embrassaient la France, l’Allemagne, l’Autriche, débordant parfois sur les contrées environnantes.