L’Américain était penché sur l’enregistreur du sans fil et il disait d’un ton singulier :
— J’avais deviné. Un sans fil clandestin… Un renseignement utile pour vous, mon cher Lerenaud.
— Pour moi ? murmura l’interpellé.
— Jugez-en. Je lis le dialogue suivant.
Et d’une voix, lente, marquant un arrêt après chaque phrase, M. Allan prononça alors ces paroles :
« — Eh bien ? Est-ce qu’un capitaine de l’armée japonaise hésiterait ? J’ai attendu des nouvelles toute la journée ?
« — Je n’hésite pas, vous en êtes certain. Mais aujourd’hui, cela était impossible à cause du bal costumé de la légation d’Espagne. Demain, je sais que l’on se reposera. Je ferai demander à la comtesse… »
— À la comtesse… répéta Pierre, sans avoir conscience qu’il parlait.
Et rougissant légèrement sous les regards convergeant sur lui :
— Excusez-moi… Je cherche à comprendre qui bavarde ainsi… J’ai pensé tout haut, désolé de vous avoir interrompu.
Allan inclina la tête et continua sa lecture :
« — À la comtesse de m’accorder audience le soir. Quoi qu’il doive arriver, ma vie appartient au Japon. Demain soir, je demanderai la main de Mlle Linérès. »
— Linérès !
Cette fois, l’exclamation de Chazelet se fondit dans le brouhaha.
Tous parlaient en même temps.
— Un septième fiancé !
— Il a du courage, le Japonais.
— Mais qu’est-ce que le Japon vient faire là dedans ?
M. Lerenaud avait sursauté. Il s’était vivement rapproché de l’Américain.
— Un septième, disait-il nerveusement, un septième… Ah ! celui-là, on ne le quittera pas d’une semelle… On le gardera comme une chasse… On verra bien si on me le tue encore !
Puis, sous l’empire d’une curiosité qui étranglait sa voix :
— Continuez, Allan, continuez.