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JUD ALLAN, ROI DES GAMINS



PREMIÈRE PARTIE





CHAPITRE PREMIER

LA PHOTOGRAPHIE MAGIQUE


— J’ai tenu à vous montrer cette lettre de France, afin de vous assurer du paiement prochain de ma dette.

Santa Virgen, je ne presse point le señor. Quelle posadera (aubergiste) ne serait pas heureuse d’être créancière d’un aussi élégant cavalier ?

Et la posadera, ainsi qu’elle s’appelait elle-même, robuste matrone des confins de Léon et d’Estramadure, grasse et sale à souhait, décocha à son interlocuteur un de ces regards que célèbrent toutes les guitares d’Espagne.

Celui-ci eut un léger haussement d’épaules.

— Enfin, dame Olinda, sous peu de jours je m’acquitterai.

C’était un congé. L’aubergiste se dirigea vers la porte, laissant son débiteur seul.

Un élégant cavalier, comme l’avait dit la maritorne. De stature moyenne, souple et nerveux, les cheveux châtains, de même que la moustache fine, les yeux mobiles et rieurs, le nez impeccable, le jeune homme, portant vingt-cinq à vingt-six ans, conservait, sous son costume de touriste quelque peu défraîchi, une distinction, une « race » bien rares à notre époque. Sa présence surprenait dans cette chambrette blanchie à la chaux, auprès de ce lit boiteux, couvert d’une « indienne » fanée, de cette table de bois blanc et de ces escabeaux grossiers… On sentait qu’elle était le résultat d’un naufrage social.