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tout, ne rentrait-il pas à Paris, uniquement pour offrir sa vie à Linérès ?

Mais il ressentait une douleur rageuse devant les appréciations du journaliste.

Et celui-ci se donnait carrière.

« Certes, les gentlemen dont nous parlons, concluait l’écrivain, ont cruellement expié la pensée parfaitement correcte et honorable d’offrir leurs noms à la charmante fille de la comtesse de Armencita, mais combien la señorita sera plus frappée par l’opinion publique.

« Dans la superstitieuse Italie, elle serait accusée de jettatura, de mauvais œil.

« Notre Paris, réputé sceptique bien à tort, a trouvé une autre explication, tout aussi peu raisonnable.

« Il a désigné l’innocente cause de tant de malheurs accumulés sous ce sobriquet expressif : La Fiancée du Diable. »

Pierre serra les poings.

S’il avait tenu le rédacteur de l’article, certes il lui eût fait passer ce que l’on est convenu d’appeler un mauvais quart d’heure.

Fiancée du Diable, cette enfant que sa rapide enquête lui avait révélée pure, bonne et tendre.

Fiancée du Diable, celle qui si doucement avait confié au carnet bleu sa tristesse de ne point se sentir aimée par la comtesse.

Victime ! Toujours victime d’une inimitié inexplicable.

L’éloignement maternel, la pauvreté, la pitié d’un bandit, l’attachement ignore d’un gentilhomme ruiné, un cercle de crimes l’isolant du monde, la presse parisienne lui décochant une appellation qui la marquait au front, quelle étrange et cruelle destinée que celle de cette jeune fille, née pour les doux sourires, née pour le bonheur !

Le brouhaha du train entrant en gare tira le marquis de ses réflexions.

Il empoigna sa valise, ses journaux, se précipita sur le quai et prit place dans le premier compartiment qui se présenta.

Il était seul, par bonheur.

Ici, au moins, la chance l’avait servi. Il put, tout à son aise, poursuivre sa douloureuse méditation. Il