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Aussi fût-ce plutôt par acquit de conscience que par curiosité réelle qu’il ajouta :

— Et le padre vous a sans doute dit où le coche me conduirait.

— Certainement, señor. Cela était utile pour que je pusse débattre le prix…

— En effet… Et je vais… ?

— À la station du chemin de fer d’Avila.

Le jeune homme salua.

— En ce cas, je m’y rends sans retard.

Avec des cris, des soupirs, des protestations de dévouement, Olinda reçut du voyageur le montant de sa note, descendit sa valise, lui remit une liasse de journaux de France arrivée la veille à son adresse.

Elle s’agitait, se trémoussait, monologuant lorsque Pierre ne pouvait l’entendre :

— Que la Madone protège ce jeune homme. Il est une vraie bénédiction pour ma maison. Le muletier, le caporal, le padre, chacun a fait son petit présent à la faible femme que je suis… Qu’il soit récompensé au centuple, ce brave gentilhomme qui fait tomber la pluie d’or dans mes poches.

Cependant, Chazelet prenait place dans la voiture qu’en tout autre pays que l’Espagne, on aurait dénommée charrette.

Sa valise à ses pieds, ses journaux à la main, il subissait l’averse des adieux, des vœux de l’hôtesse.

Enfin, celle-ci, à bout d’haleine et peut-être d’expressions, fit un signe au voiturier assis sur le brancard.

L’homme excita son cheval ; on partit.

Pierre avait pensé parcourir les journaux de France durant le chemin. Rentrant à Paris ; il désirait se remettre au courant des préoccupations de la ville Lumière ; mais, après deux ou trois tentatives, il dut y renoncer.

Les cahots lui faisaient exécuter des bonds continuels. Il était projeté de droite, de gauche, heurté, bousculé. Allez donc lire au milieu de semblable gymnastique.

Il faut avoir parcouru les routes espagnoles, avoir été meurtri dans les véhicules primitifs circulant à travers la campagne pour se rendre compte du nombre des contusions qu’un touriste peut supporter sans que sa santé en soit altérée.

Le voiturier, stoïque, fumait paisiblement des ciga-