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CHAPITRE III

LE DIABLE S’EN MÊLE


— Ah ! voici le señor. Que la journée vous soit bonne, señor. Le coche (voiture) vous attend.

Ainsi dame Olinda accueillit le marquis, lorsqu’il franchit le seuil de la posada del Cid.

Après une nuit paisible, le jeune homme s’était réveillé dans les plus heureuses dispositions… Un instant, il avait bien eu l’impression d’avoir rêvé toutes ses aventures de la veille, mais la présence dans sa poche de dix mille huit cents pesetas en billetes del banco real d’España avait immédiatement chassé cette idée fausse.

Rappelé ainsi à la réalité, Pierre s’était habillé, avait réglé sa dépense à la fonda de Salamanca et s’était procuré une mule de louage, sur laquelle il avait repris la route de son domicile.

Seulement, comme s’il était condamné à rencontrer sans cesse de nouveaux sujets d’étonnement, les premières paroles de l’opulente Olinda lui apparurent incompréhensibles.

— La voiture vous attend, avait-elle dit.

Quelle voiture ? Tout naturellement, il demanda :

— Un véhicule m’attend. Pourquoi ? à propos de quoi ?

La posadera lui décocha son œillade la plus assassine.

— Pourquoi, señor ? Parce que, hier dans la journée, le padre (prêtre) Montero, qui venait bénir la vigne de la veuve Domera, m’a donné l’ordre de votre part de tenir, ce matin, une voiture à votre disposition.

— Ah ! le padre Montero a fait cela ?

Au fond, Pierre s’accoutumant peu à peu au merveilleux de son existence actuelle, jugeait simplement bizarre que ce prêtre inconnu eût pu savoir, dans le courant de la journée précédente, ce dont lui-même ne se doutait encore aucunement.

Mais il n’en était plus à chercher longuement les explications.

Vivre en pleine féerie lui devenait indifférent ; une seule chose l’intéressait désormais. Joindre Linérès et donner sa vie pour elle, s’il en était besoin.