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intelligence presque humaine, et aussi sa gueule puissante, entre les dents de laquelle il tient une large enveloppe.

Et le jeune homme surpris prend la missive, sans que le dogue fasse mine de la lui disputer. Il s’approche d’une torche, regarde.

— La signature de Jemkins ! fait-il à mi-voix.

Mais tous ceux qui l’aiment l’ont suivi. Ils sont là autour de lui. Ils ont entendu. Lilian s’est appuyée au bras de Jud et pensant à haute voix :

— Que veut-il encore, cet homme ? Lisez, Jud, lisez, je vous en prie.

Et Allan lit l’étrange lettre que voici :

« Mon cher Jud,

« Comment m’êtes-vous devenu cher ? Sur ma parole, je n’en sais rien… Vous qui avez conquis des grades universitaires, vous trouverez peut-être une explication, dont je serai privé par exemple.

« N’en ayez cure. Je me soucie des raisonnements comme un poisson d’un habit brodé. Je suis homme des faits… Le fait indéniable est que vous m’êtes devenu cher… Que m’importe le reste ?

« Donc, j’ai vu de vos affreux gamins, que le diable rôtisse ! surveiller l’hacienda tout cet après-midi.

« Et leur chien m’a suggéré l’idée de vous envoyer un petit bout d’adieu. D’abord parce que ce geste m’apparaît correct, ensuite qu’il me permet de vous expliquer certains détails que vous ne devineriez jamais. »

Allan s’interrompit un instant. Le ton singulier de la lettre, le mélange d’ironie et de vague tendresse répandu dans les lignes tracées par l’aventurier, lui apportaient un malaise indéfinissable.

Lilian au contraire semblait transfigurée. Elle supplia :

— Lisez, Jud, je vous en prie.

« Vous m’avez mis la tête à l’envers, mon cher Jud, écrivait Jemkins. Pourquoi ? Comment ? Je vous répète que je n’en sais rien.

« Vous avez employé votre vie à disloquer la mienne.

« Je ne vous en veux pas. Si j’avais pu prévoir quel gaillard vous deviendriez, je ne vous aurais certes