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des sages. Ils se transmettent les mystères de la pensée. Un sage ami vaut mieux qu’une armée de maladroits.

— Eh ! Qui appelles-tu maladroits ?… Je ne suis pas d’humeur à me prêter à tes jongleries.

L’interpellation de Jemkins parut redoubler l’hilarité du sorcier.

— Hommes rouges, hommes blancs, fit-il. Tous les mêmes. Tous incrédules, jusqu’à l’heure où ils tremblent devant ce qu’ils ne comprennent pas.

— Par le pied fourchu de Satan ! rugit Jemkins exaspéré…

Mais El Dieblo trancha sans façon la fin de la phrase commencée.

— Tais-toi. L’Esprit parle… Vous êtes dans les ténèbres… J’apporte le flambeau.

Tout en parlant, il pivotait sur lui-même, saluant de grands gestes les quatre points cardinaux.

— Ils sont là, les Esprits du Soleil, les Esprits qui se croisent. Ils sont tous là. Ils inspirent El Dieblo, le magicien de la prairie.

Jemkins ébranla le plancher d’un formidable coup de talon.

— Trêve de parade… ! Crois-tu nous en imposer par ces mômeries transmises de génération en génération parmi les anciens des tribus ? Les Aztèques, il y a cinq siècles, évoquaient déjà les esprits de lumière… Le Soleil les a-t-il sauvés de la destruction ?

— Les guerriers ne croyaient plus aux paroles des sages. Ils sont morts de leur ignorance négatrice… Si tu veux triompher, sois plus prudent.

Quoiqu’ils en eussent, les bandits gardèrent le silence. L’accent prophétique du singulier personnage les impressionnait.

— Mais enfin, que prétends-tu faire ? murmura Frey Jemkins.

— T’aider avec l’appui du grand Esprit et de Veacatl, le génie à tête de hibou (mythologie Aztèque) qui trouble ou éclaire le cerveau des hommes. Ces enfants résistent à ta volonté ; El Dieblo va les rendre obéissants.

Une stupeur accueillit l’audacieuse affirmation du sorcier. Chazelet et Linérès haussèrent les épaules. Jemkins les montra à son interlocuteur. Sans se déconcerter, l’Indien ricana :

— Les oiseaux moqueurs se vantent d’être en sûreté sur les plus hautes branches. Ils en descen-