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— Ma mère, répéta Lilian d’une voix profonde, comment savez-vous ?

— Tout à l’heure, nous avons entendu votre entretien.

Comme un soupir, ces mots jaillirent de la haie :

— Pauvre Linérès ! c’est son rêve brisé !

Mais impétueusement, la compagne du Parisien s’écria :

— Non, non, ne croyez pas, Lilian… Ah ! certes, j’aurais aimé follement la mère retrouvée… Mais nous saurons lutter avec vous.

— Sœur de douleur, sachez donc que celui qui a dissipé l’obscurité jetée sur notre esprit…

— L’obscurité jetée, je ne comprends pas ?…

— À notre boisson, on mêlait une certaine proportion de haschich, d’extrait fermenté de chanvre ; de là, la somnolence, l’inconscience…

— Quoi ! cette folie était un crime encore ?

Avec une angoisse frissonnante, la jeune fille ajouta :

— Vite ! Le factionnaire va nous enjoindre de nous éloigner.

— Le défenseur a trouvé le moyen de neutraliser le poison, et, ce matin, il m’a fait tenir une lettre… Une boulette de papier qui, par-dessus les feuillages, a pénétré dans ma chambre par la fenêtre ouverte…

— Il vous disait d’espérer ?

— Je puis vous le dire. La lettre portait ceci :

« C’est l’extrait de chanvre qui cause la folie apparente de Mrs. Lily Pariset… Je neutraliserai désormais le poison par une adjonction d’ésérine, alcaloïde de la fève de calabar. Cependant, buvez peu d’eau. Puis, simulez la pensée absente. Il faut tromper l’ennemi. Je veille, je vis pour vous sauver. »

Un ordre rugi ponctua la dernière phrase :

— Au large !

La longue station des fiancés avait ainsi fait naître la méfiance chez le factionnaire. Et comme il brandissait sa carabine d’un air menaçant, Chazelet et Linérès se penchèrent vers la haie.

— Adieu ! Nous reviendrons…

Et ils s’éloignèrent, suivis par le regard malveillant du factionnaire.

Leurs derniers doutes s’étaient évanouis. Un abîme d’épouvante les environnait. Et, dans le désordre de