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Il continue :

« Quel est cet homme, qui, chaque année, parait à « la maison. Il s’enferme avec ma mère…, après une demi-heure, il repart. En voilà de nouveau pour un an. Cette fois, il me semble que la comtesse est joyeuse. Pourquoi ? Pourquoi ne me met-elle pas de moitié dans sa joie ? »

Pierre se sent les yeux humides. D’une pichenette, il fait sauter une larme. Une phrase entr’aperçue lui cause un éblouissement.

« D’où vient ce papier ? a écrit la jeune fille. Hier, dans la plaine, j’étais seule à l’ombre des Trois Chênes… J’étais triste, j’ai pleuré… Je pensais combien je suis asseulée, et je me demandais si je ne connaîtrais jamais la douceur d’être aimée… Ce matin, dans le cadre de ma glace, j’ai trouvé ce billet, réponse à ma pensée : « Ne pleure plus. Bientôt, à Paris, tu verras qui t’aimera… » À Paris… comme si les pauvres allaient à Paris ! »

Un frissonnement agita tout l’être du marquis. Paris, indiqué à Linérès comme à lui-même… Paris, où des volontés mystérieuses semblaient vouloir conduire deux jeunes gens, inconnus l’un à l’autre, auxquels on promettait l’affection l’un de l’autre.

Car il ne mettait point en doute que la tendresse, annoncée à la señorita Linérès, fût celle qu’il sentait grandir en lui, l’envahir tout entier.

À la dernière page, deux alinéas seulement. Pierre les parcourt des yeux.

Le premier explique le départ des habitants de Armencita. Le voici :

« Le duc del Vedras est mort. Je n’en avais jamais entendu parler. Il parait que nous sommes ses plus proches parentes. Son exécuteur testamentaire nous mande à Madrid, pour nous mettre en possession d’une grande fortune. Le meilleur est que ma mère rêve d’aller promener notre richesse à Paris… Paris, cette ville bénie où je devrai rencontrer qui « m’aimera ! »

Le deuxième paragraphe explique l’abandon du carnet que tient le marquis. Linérès a tracé ces mots :