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Pourquoi la voix du Français trembla-t-elle un peu en prononçant ces dernières paroles ? Au vrai, il n’eût su le dire.

Du reste, son interlocutrice ne lui laissa point de temps de s’interroger à cet égard ; elle reprit :

— Oh ! pour visiter le château, vous le pouvez… Rien n’est fermé là où il n’y a rien à prendre. Mais pour ce qui est de parler aux señoras, cela sera impossible.

— Elles refuseraient de me recevoir ?

— Oh ! les pauvres créatures… Elles n’ont jamais fermé leur porte à personne.

— Alors… Elles sont donc sorties ?

La fille secoua la tête :

— Pas sorties…, parties.

— Vous dites ?

— Parties…, depuis trois mois… Un homme de loi est venu de Madrid, la grande ville, et il les a emmenées.

— Vous ne voulez pas exprimer qu’elles sont prisonnières ?

À cette question, la Lourença se dérida. Toute sa personne frétilla d’un rire inextinguible. Elle parvint enfin à bredouiller :

— Non, non, pas prisonnières… On a parlé d’héritage, je ne sais pas, moi… Seulement, je sais qu’une semaine après leur départ, un commis de l’alcade de Béjar s’est présenté chez mes parents, de la part de la bonne comtesse, et leur a remis des papiers qui les rendent propriétaires de leur chaumière et de trois mille varas carrées de terrain autour (à peu près deux mille vingt-sept mètres carrés, la vara valant quatre-vingt-trois centimètres). Si bien, ajouta-t-elle en redressant fièrement la tête, que je suis un bon parti maintenant, et qu’à la prochaine fête, les garçons se disputeront pour danser le fandango avec moi.

Pierre ne l’écoutait plus.

Linérès avait quitté Armencita.

De nouveau, il sentait sur son esprit l’emprise des paroles de la gitana Ramrah.

Partie à Madrid, c’est vrai, non à Paris… Mais devenue riche déjà. Quand on fait des présents aussi importants que celui dont se vantait naïvement la paysanne, on a évidemment une situation plus qu’aisée. Et Paris n’est-il point le phare vers lequel convergent tous ceux à qui Plutus sourit.