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Et du fond de ce rempart obscur, une voix légère module :

— Cinquante !

Ce à quoi, Jud répond :

Nothing !

Aussitôt s’ouvre une allée étroite devant le professeur.

Sans doute, certains arbustes sont plantés en pots, que des mains invisibles ont déplacés.

Jud s’engage dans le chemin qui lui est tracé.

Les branches se joignent en berceau au-dessus de sa tête. Il compte trois fois cinquante pas. De nouveau, il est arrêté par un fourré.

Mais Allan prononce d’un ton ferme :

— Le roi appelle.

Et les buissons sont écartés à droite et à gauche, dessinant une brèche par laquelle le nocturne promeneur pénètre dans un vaste rond-point.

Au centre, se dresse un vieux saule ébranché, présentant la silhouette fantastique, d’un vieillard géant. C’est le carrefour du parc que l’on désigne familièrement sous la dénomination de Doll’s Cross (Carrefour de la Poupée).

Jud va vers le saule et appuie sa main sur l’écorce.

À peine a-t-il esquissé ce geste que le rond-point s’anime ; sur tout son pourtour les broussailles s’entr’ouvrent, laissant jaillir une nuée de garçonnets, de fillettes, qui se rangent en cercle autour de l’arbre.

Ce sont des grooms, des chasseurs, des boys du sénat ou des administrations publiques, des stewards, décrotteurs, packet-boys ou commissionnaires, jeunes employés des postes ou des télégraphes.

Auprès de ces personnages aux costumes masculins se sont placés des fillettes, petites bonnes, apprenties, balayeuses de la ville, élèves boursières de diverses écoles, reconnaissables à leurs rubans aux couleurs de l’Union. Tous regardent Jud Allan. Dans tous les yeux brille l’affection.

Jud a l’impression de la tendresse morale qui monte à lui ainsi qu’une fumée d’encens. Sur ses traits s’imprime une expression de reconnaissance infinie, et doucement il parle.

— Mes chers enfants, mes seuls amis.

On jurerait qu’ils ont cessé de respirer, de peur de troubler par leur souffle le grand silence où résonne la voix de Jud Allan.

— Enfants ! Celui qui vous a rassemblés, celui qui