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qu’à plusieurs reprises, Jud Allan avait traîné à la remorque.

Au fond du couloir, se trouve un escalier étroit. Le petit s’y engage. Allan monte derrière lui sans mot dire. Au premier étage, tous deux pénètrent dans un bureau qu’une double porte capitonnée, le plafond et les murs également recouverts d’un capiton, le plancher caché sous un épais tapis molletonné, semblent devoir isoler de toute oreille indiscrète.

La porte refermée avec soin, Tril avance respectueusement un siège au visiteur, puis attend debout devant lui.

— Un grand malheur, Tril, commence Jud d’une voix douloureuse.

— Un malheur, roi…

— Oh ! pas ce titre que votre affection m’a donné.

— Pourquoi ? Dans la salle sourde, nul ne peut l’entendre, et ce m’est un plaisir de le prononcer.

Allan a un geste de consentement.

— Soit ! Écoute. Miss Allan…, ma sœur…, a été enlevée cette nuit. Je suis certain que Frey Jemkins a conduit l’aventure.

— Il a dû prendre ses précautions. Mais les lads seront en campagne aujourd’hui même.

— C’est cela, enfant, c’est cela. Découvrir où ils l’ont enfermée, elle… La délivrer, et puis…

— Venger notre roi…

Allan secoua tristement la tête.

— Non, Tril… Vous, mes amis, vous auxquels j’ai voulu donner, par l’association, le moyen de vous défendre, je ne vous emploierai pas à la vengeance. La haine fane la jeunesse, racornit l’âme. C’est à la justice que nous devons seulement marcher.

Son interlocuteur lui saisit la main et la porta à ses lèvres.

— Vengeance ou justice, roi, c’est la reconnaissance qui nous guide, la reconnaissance pour toi.

— Pour l’ami inconnu qui m’a fourni l’or, sans lequel mon rêve ne se fût point réalisé.

— Pour lui aussi, oui, cela est équitable. Mais pour toi d’abord.

Et d’un ton mi-badin, mi-ému, Tril expliqua :

— À quoi bon discuter cela, roi ? Que nous le voulions ou non, nous t’aimons. Qu’étions-nous auparavant ? Des enfants du ruisseau, nus, sans appui, condamnés presque fatalement au vol, à la honte, à la mendicité. Tu nous as réunis, toi, qui travaillais tant ! Tu nous as dit : « Groupez-vous ; soutenez-vous ;