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Et il passa, sans que la jolie Chinoise eût fait un mouvement.

Seulement, le curieux qui se fût trouvé à côté d’elle aurait entendu cette phrase énigmatique sortir de ses lèvres :

— Il trouvera l’avis… Il n’osera plus combattre… Je pourrai l’affirmer à Frey Jemkins.

Quelques minutes après, elle se mettait nonchalamment en marche, se dirigeant vers la basse ville.

Cependant, Jud Allan atteignait Kendall Green.

À la vue des murs, du portail de l’Institution Deffling, une émotion insurmontable le saisit.

C’est là que Lilian vit ; là qu’il songe sans doute au récit manuscrit qu’elle a lu.

Il est sept heures environ. Une cloche, dont le promeneur reconnaît le son, annonce l’ouverture des classes.

Jud regarde. Il envie les professeurs graves, les écolières capricieuses, qui s’engouffrent sous le portail de l’Institution.

Il ressasse toutes les choses pénibles qu’il s’est déjà répétées. Lilian le méprise à présent. Quelle apparence qu’elle puisse conserver son affection à l’ex-chevalier vagabond, au petit saltimbanque qu’une heure d’exaltation a conduit à se dévouer pour elle ? Alors, qu’est-il venu faire ici ? Il se gourmande, se plaisante durement.

À ses tempes transsudent des gouttelettes glacées. Machinalement, il porte la main à sa poche pour y prendre son mouchoir.

Ce mouvement banal amène pour lui une nouvelle surprise.

Un papier s’est trouvé sous ses doigts… Il l’élève jusqu’à ses yeux. Qu’est cela ? Un billet cacheté avec cette suscription tracée au dactylographe :

« À Jud Allan. »

En voilà bien d’une autre ! D’où vient cette missive ? Il n’a aucun souvenir de l’avoir reçue, de l’avoir glissée dans sa poche. Et cependant elle a dû lui être remise à l’hôtel. Est-ce qu’il perd l’esprit ?

Il décachette la lettre. Il la déplie. La feuille porte quelques lignes, écrites, comme l’adresse, à la machine. Et avec stupeur ses yeux déchiffrent ces syllabes menaçantes :

« Vous êtes intelligent. Comprenez donc à demi-mot. Vous avez entrepris une campagne odieuse