Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lilian l’interrogera alors… Il répondra forcément… On saura sans peine ce que l’on s’évertue vainement à deviner…

Mais brusquement. Grace cessa de discuter avec elle-même. Un bruit insolite vient d’attirer son attention.

On croirait que l’on marche dans le couloir. Oh ! avec des précautions énormes ; seulement le plancher craque parfois. Le long de la cloison, il se produit des frôlements légers.

Qui donc erre ainsi dans la maison silencieuse ? Ce n’est point une ronde. Les veilleurs ont le pas plus lourd ; ils prennent moins de précautions. Non, non, ce sont des personnes qui cherchent à dissimuler leur marche.

Si c’étaient des voleurs !

L’idée lui vient tout naturellement. Toute la soirée, n’a-t-elle pas vécu dans un rêve de brigandage ? Grace Paterson se lève, passe un peignoir, chausse des mules légères.

Un déclic l’avertit que les mystérieux visiteurs viennent d’ouvrir la porte de son amie. Alors son affection chasse toute prudence.

— Lilian ! Lilian ! J’accours.

Son appel s’achève en un gémissement étouffé. Deux ombres ont fait irruption dans la pièce. Une étoffe a été jetée sur sa tête, l’encapuchonnement, dégageant l’odeur fade du chloroforme. Elle veut se débarrasser… geste inutile. Des mains nerveuses la saisissent, l’immobilisent.

Déjà le stupéfiant agit sur la jeune fille. Son crâne s’emplit de bourdonnements. Et, presque anesthésiée, elle perçoit confusément ces mots :

— Un coup de couteau nous débarrasserait de ce témoin gênant, fait une voix d’homme, rauque et dure.

C’est un organe féminin qui répond :

— Non, pas de sang. Il importe, avant tout, de ne laisser aucune trace compromettante.

— Qu’en ferons-nous, en ce cas ? Elle nous gênera.

— Allons, allons, mon brave ami, ne vous irritez pas. Cette fillette remplira les fonctions de confidente ; fonction utile, car on surprend seulement les secrets des personnes qui les confient

Puis, il semble à Grace que les voix s’assourdissent, s’éteignent. Elle chancelle ; elle perd connaissance. Elle est étreinte par l’invincible insensibilité que produit le chloroforme.