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« Un serviteur dévoué, pour qui ce fut le bonheur de se consacrer à votre salut.

« Jud Allan. »

Un post-scriptum suivait, réitérant la double recommandation de brûler le manuscrit et de ne confier à âme qui vive le secret du passé.

Déjà Grace avait enflammé une allumette. Lilian lui arracha les papiers des mains, les pressa sur ses lèvres, puis les approcha de la flamme. Une minute plus tard, il ne restait de la confession de Jud que de légères cendres noires, voletant sur le plancher. Les jeunes filles ne trouvaient plus rien à se dire. Assises l’une auprès de l’autre, elles demeuraient sans voix, absorbées dans des pensées qui les troublaient profondément.

La veille, elles n’étaient que deux petites pensionnaires parachevant leurs études dans l’institution sélect de miss Deffling. Maintenant, elles se considéraient comme des héroïnes de roman.

Ah ! à des degrés différents, bien entendu. Lilian, elle, avait les honneurs de cette nouvelle classification ; Grace, aspirant seulement au rôle de confidente, dans lequel elle venait de débuter par l’emploi de lectrice.

Au surplus, la rieuse créature éprouvait une joie frissonnante à se voir mêlée à des événements, à quoi son éducation ne la semblait pas prédestinée.

Le Crâne, les bandits, ce Jud si brave, et par-dessus tout son amie, enfant séparée de sa famille, héritière dépouillée de ses richesses, lui apparaissaient comme des personnages de légende.

Au vrai, elle doutait d’avoir lu une histoire réelle, arrivée.

Lilian, elle, ne voyait qu’une chose claire : elle aimait Jud Allan ; elle avait plus que le droit, elle avait le devoir de l’aimer.

Les feuillets à présent consumés lui avaient révélé quelle tendresse inquiète, incessante, dévouée, s’était sans trêve interposée entre elle et ses cruels ennemis.

Elle admirait l’énergie de l’être qui, de chevalier vagabond, s’était élevé, au rang des instructeurs de West-Point, des familiers de la présidence.

Et de douces larmes coulaient de ses yeux, en songeant avec quelle modestie, quelle délicatesse, Jud. seul contre tous, faible en face de la force, avait assumé la tâche ardue de la protéger, ou le dénouement brutal de mourir pour elle.