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Il donnera l’alarme à son compagnon. Et alors ?

L’enfant s’applique contre le mur sombre, faisant corps avec lui, semblant vouloir s’y incruster.

Voilà le captif… glissant le long de la corde ainsi qu’une grosse araignée au bout de son fil. Il prend pied sur le sol de la cour, puis il agite le cordage en modulant un sifflement léger.

Sans doute le signal signifie que la route est libre, car le lien de chanvre se tend de nouveau. De nouveau, un corps noir descend au ras du mur.

Une minute s’écoule, un siècle pour Jud, qui tremble à chaque seconde d’être découvert. Mais les fugitifs sont trop occupés de leur manœuvre pour distinguer celui qui les espionne.

Tous deux sont à présent dans la cour inférieure. Ils chuchotent :

— Eh bien, Tom, vieux garçon, cela marche-t-il à vos souhaits ?

— Bien sûr, Jetty… bien sûr… Si cela continue, je serai comme vous-même.

— Que voulez-vous exprimer par ces mots ?

— Que je croirai au « Crâne » avec autant de dévotion qu’au vieux Nick (le diable).

Ils rient sans bruit.

— Et la corde ? reprend Tom.

— Laissons-la… Ce sera une consolation pour le manager (directeur, forme burlesque). Il perd deux bouches à nourrir, et il gagne un beau filin qui vaut trois dollars comme dix cents… C’est une superbe affaire.

Cependant, Jud se consulte. Chacun des bandits apparaît un hercule, auprès de lui.

Jetty est très grand, osseux. Sous la clarté de la lune, à laquelle il s’expose avec la tranquillité d’un homme assuré de n’être pas dérangé, l’enfant le voit bronzé, la moustache noire, souple d’allures, presque félin, sinistre, inquiétant.

Le misérable est coquet… Il a des prétentions à l’élégance. Ses cheveux sont bien coiffés, lissés avec soin sous la calotte de laine ; sa moustache se retrousse en pointes conquérantes.

Tom, lui, est énorme, trapu… Sa tignasse, sa barbe hirsutes cachent presque complètement la peau de sa face. Ses yeux brillent dans cette broussaille, comme des yeux de fauve dans un buisson.

Il n’y a pas à s’y méprendre : ce sont là de dangereux compagnons.