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« C’est en Floride que ce voyage bizarre prit fin.

— En Floride ?

— Oui, ma bonne Grace, en Floride. J’y devais rester jusque vers ma dix-septième année.

— Moment où tu entras chez miss Deffling ?

— Précisément.

— Vous avez encore dû quitter la Floride par suite du danger que, comme toi, je devine sans le connaître.

Lilian sourit à son interlocutrice.

— Non, je ne pense pas. Je vécus, de onze à dix-sept ans, dans une ravissante hacienda, transformée en maison d’éducation. J’aurais été heureuse, si j’avais vu Jud plus souvent ; mais il ne venait qu’à de rares intervalles.

« N’importe, présent ou absent, il était toujours là, dans mon esprit et dans mon cœur.

« Je travaillais pour lui.

« Pour lui, j’appris tout avec acharnement, littérature, mathématiques, musique, aquarelle, et aussi des choses qui sont moins recherchées par les demoiselles. Je devins une écuyère consommée, je tirai à la carabine.

« Un jour que je m’étonnais de ces dernières leçons, la directrice me ferma la bouche par ces mots :

« — Tel est le désir de votre frère. »

« Jud voulait cela, donc cela était bien, donc cela devait me plaire.

« Je n’avais plus rien à apprendre de mes professeurs. Sans doute, Jud Allan attendait ce moment, car il arriva brusquement.

« Durant deux jours, il résida à l’hacienda, m’entraînant en de longues courses, où il me mit à même de prouver mes connaissances morales et physiques.

« L’examen le satisfit probablement, car, après la seconde journée, il me dit :

« — Demain, nous partirons ensemble.

« — Oh ! m’écriai-je, je vais donc vivre près de vous ?

« — Non, Lilian. Mais vous entrerez dans votre dernière pension. Ne me questionnez pas. Dites-vous que je veux votre bonheur de toute mon âme, et accordez-moi encore le crédit d’un peu de patience. »

« Une huitaine plus tard, j’étais élève de miss Deffling.

Au moment où la jeune fille prononçait ces paroles, la voiture s’arrêta.