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laquelle je dois, — il appuya sur ce verbe, — jusqu’à nouvel ordre rester votre frère comme pour tout le monde ; je la préviendrai, dis-je, que j’autorise cette sortie.

Sa voix sonna déchirante sur ces dernières syllabes.

— J’accompagnerai Lilian ! fit délibérément Grace. Mon père, qui actuellement assiste à une exposition dans le Sud, m’a autorisée à sortir avec elle, si vous y consentez.

Allan s’inclina gravement.

— Vous la soutiendrez, miss, car elle entendra au Sénat des choses qui peut-être lui causeront une émotion.

— Mais quelles choses ?

— Permettez-moi de garder le silence. Des voix plus autorisées que la mienne, des voix qui sont les premières dans l’État, diront les mots qui doivent mettre miss Lilian sur le chemin de la vérité.

Et, avec une énergie qui troubla ses interlocutrices, il ajouta :

— Mais je vous en conjure, misses, quoi que vous entendiez, quelque surprise qui résulte pour vous de la discussion sénatoriale, réprimez toute exclamation, tout geste, tout regard même qui puisse attirer l’attention sur vous.

D’une voix basse, il conclut :

— Les ennemis qui ont fait de vous, miss Lilian, la misérable compagne de Jud Allan, seront près de vous, autour de vous, partout. Ils vont vous apprendre qui vous êtes, et ils vous tueraient pour l’avoir appris, comme ils ont tué votre père.

Grace écoutait de tout son être.

La rieuse enfant ne paraissait pas effrayée. Non, on eût cru plutôt qu’elle était ravie de se voir mêlée à une aventure dramatique, romanesque, telle que l’annonçaient les demi-confidences du professeur de l’école militaire, de West-Point.

Quant à Lilian, elle avait reconquis tout son calme.

Ses grands yeux ne quittaient point ceux de Jud.

Et au fond de ses prunelles d’or, se lisait une reconnaissance infinie.

— Me suis-je bien fait comprendre ? questionna le jeune homme.

— Sans aucun doute, commença la pétulante Grace.

Mais Milan lui coupa la parole.