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CHAPITRE VII

UN MILLIARDAIRE


Tout à coup un sifflement aigu, aux modulations étranges, se vrilla dans l’air. Il venait évidemment de l’extérieur, et cependant il sembla résonner dans le salon même où les auteurs de l’inexplicable drame se trouvaient réunis. Allan tressaillit.

D’un coup d’œil, il s’assura que ni Linérès, ni Pierre, ni la comtesse, ne l’observaient, et se penchant à l’oreille de M. Lerenaud, il murmura :

— C’est Lui. Il vient.

Avant que le chef de la Sûreté eût achevé le mouvement de surprise provoqué par cette affirmation, l’Américain continua :

— Je disparais. Pour vous, monsieur, recevez mes remerciements ; je ne vous reverrai plus qu’au jour de la victoire, s’il doit jamais luire.

— Où allez-vous donc ?

— Je m’enfonce dans la nuit, monsieur Lerenaud… et j’espère en vous pour faire savoir à M. le président Loosevelt tout ce qui se sera passé ici.

— Je le ferai, vous avez ma parole.

— Et vous, vous avez ma reconnaissance.

Sur ce, l’Américain se glissa sans bruit hors du salon, dont la porte retomba sur lui.

M. Lerenaud demeurait pensif. Certes, celui qui venait de sortir avait été accrédité auprès de lui par le président même de la grande république des États-Unis… Il lui avait conté une terrible histoire de ce banditisme américain, au regard duquel les bandits d’Europe apparaissent comme des écoliers, ânonnant l’alphabet du crime ; mais, tout en se mettant à la disposition de son hôte, le chef de la Sûreté comprenait que l’ensemble de l’affaire lui échappait.

Il n’était qu’un comparse, entrevoyant un coin du drame. Au delà, c’étaient les ténèbres, où s’agitaient des ombres dont les mobiles précis lui échappaient.

De cet Allan même, que savait-il ?

Rien, ou presque. D’où ce personnage avait-il tiré la nature excentrique, multiple, aux oppositions caractérisées, que les menus incidents de leurs rencontres avaient mis en relief aux regards curieux du policier ?