Page:Ibsen - Madame Inger à Ostraat, trad. Colleville et Zepelin.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
À OSTRAAT

madame inger

Ce sont des mensonges. Une mère s’arracherait plutôt le cœur que de jeter ses enfants aux loups.

eline

Si vous n’étiez pas ma mère, je dirais que cela est vrai. Mais vous ! vous avez agi ainsi. L’une après l’autre vous avez jeté vos filles aux loups ravisseurs.

L’aînée d’abord : Il y a cinq ans, Mérète a quitté Ostraat avec Vincent Lunge dont elle est l’épouse, la croyez-vous heureuse avec son chevalier Danois ?

Vincent Lunge est puissant comme un roi. Mérète a des suivantes, des écuyers, des vêtements de soies, des salles spacieuses ; mais, pour elle, le jour est sans soleil, la nuit sans repos, car elle n’a jamais aimé son mari. Il est venu au château, il a demandé la main de Mérète, parce qu’elle était l’héritière la plus riche de la Norvège et parce qu’il lui était utile de se fixer dans le pays.

Je le sais, allez. Je le sais parfaitement !

Mérète vous a obéi. Elle a suivi docilement l’étranger.

Mais combien cruel est son sort, elle a versé trop de larmes pour qu’une mère puisse en prendre la responsabilité devant Dieu.

madame inger

Je connais ma responsabilité et elle ne m’effraye pas.