Page:Ibsen - Madame Inger à Ostraat, trad. Colleville et Zepelin.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nils lykke
(Plus près d’elle, à voix plus basse et plus émue).

Combien souvent n’êtes-vous pas demeurée solitaire ici à Ostraat avec vos pensées. Vous vous sentiez la poitrine serrée, ce plafond et ces murs étouffaient votre âme, et votre pensée s’envolait loin, bien loin d’ici, vous-même eussiez désiré partir avec elle, là-bas, sans savoir où. Combien de fois ne vous êtes-vous pas promenée solitaire, au bord du fiord ! un vaisseau richement décoré, portant à son bord de nobles chevaliers et de belles dames qui chantaient, passait au large, loin, loin… un vague écho de la grande vie venait mourir près de vous et, alors, dans votre cœur naissait un indomptable besoin de savoir ce qui se passait de l’autre côté de la mer ; mais vous ne compreniez pas ce qui vous manquait.

Vous avez cru que c’était le malheureux sort de votre patrie qui vous agitait, vous vous êtes trompée : une vierge de votre âge a d’autres tourments que ceux-là !

Eline Gyldenlöve ! n’avez-vous jamais cru à des forces secrètes, à une grande et énigmatique attraction qui tend à unir le destin de deux êtres ? et quand vous songiez aux fêtes joyeuses, n’avez-vous, alors, jamais rêvé d’un chevalier qui, au milieu des bruits de la fête, s’avançait vers vous le sourire aux lèvres et le chagrin dans le cœur. Oh ! un chevalier qui, jadis, aurait nourri les mêmes rêves que vous, qui aurait désiré une femme noble et fière et la qui cherchait vainement parmi les femmes qui l’entouraient ?

eline

Qui êtes-vous donc, vous qui avez le pouvoir de donner des